Paralysé depuis plus d’un an par une pandémie mondiale, le sport se réinvente. Sportifs et supporters se retrouvent désormais derrière les écrans, ou les compétitions et évènements se multiplient. La digitalisation du sport est lancée.
Des stades vides, des salles de sports désertées… Depuis mars 2020, la pandémie a considérablement freiné la pratique du sport partout dans le monde. Dans l’Hexagone, le constat est même inquiétant. Dans un sondage publié début avril sur son site internet, Santé Publique France indique que près de 50% des personnes interrogées ont fait moins de 30 minutes d’activité physique par jour lors du premier confinement entre mars et mai 2020, contre 15% des sondés lors des mois précédents la crise sanitaire.
Un accroissement de la sédentarité face auquel le sport semble avoir trouvé la parade. Ces derniers mois, de nombreuses disciplines se sont tournées vers le numérique pour poursuivre leurs activités. Un phénomène déjà amorcé depuis « les années 2007-2008 et l’arrivée des smartphones » selon Boris Helleu, docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives, et qui s’est accru lors de la pandémie de Covid-19.
Cours de fitness en visioconférence, diffusion d’évènements sportifs en direct sur les réseaux sociaux… Les activités se sont diversifiées et adaptées aux contraintes des confinements successifs. Rare évènement à ne pas avoir été annulé, le Tour de France a par exemple été décliné en une version numérique, dans laquelle les participants couraient depuis chez eux grâce à des vélos d’intérieur.
Maintenue en présentiel, l’édition 2020 du Tour de France s’est également déroulée en ligne sur l’application Zwift.
Les salles de sports innovent
Fermées depuis le 15 mars 2020 en France, les salles de sports ont également dû se tourner vers le numérique pour maintenir le lien avec leurs clients. Basic-Fit, 3e opérateur français avec plus de 320 clubs, propose ainsi depuis peu un abonnement à des cours collectifs virtuels d’une durée de 15 à 40 minutes avec plus de 100 vidéos et des cours renouvelés tous les deux mois. Ils sont accessibles via la plateforme vidéo sur le site de l’enseigne ou sur l’application mobile.
L’Orange Bleue, leader du marché avec près de 400 salles, est allée encore plus loin en développant il y a un an, une plateforme VOD exclusivement destinée aux coachs sportifs du groupe pour la préparation de leurs cours. Cette dernière a servi de base pour la création d’une plateforme digitale réservée aux adhérents du club lancée à l’occasion du confinement. Néanmoins, face à la concurrence de youtubeurs sportifs déjà bien établis, ces plateformes, lancées pour la plupart dans l’urgence, peinent encore à trouver leur public. Sofiane Nacer, responsable d’un Fitness Park à Bezons (Val-d’Oise), indique ainsi que moins de 10% de ses clients réguliers utilisent ces services numériques.
Les cours de fitness en ligne se sont démocratisés lors de la crise sanitaire.
L’avènement du eSport
Face aux débuts timides des salles de sport sur le web, l’eSport apparait comme le grand gagnant de cette digitalisation du sport. Selon l’agence française pour le jeu vidéo (AFJV), 29% des Français, majoritairement masculins, ont consommé des contenus eSport ces 12 derniers mois. Une tendance qui se dessine également dans d’autres pays d’Europe comme l’Espagne (23%) ou le Royaume-Uni (32%). Fin 2020, le nombre de fans d’eSport atteignait ainsi les 92 millions de personnes en Europe, soit une augmentation de 7,4% par rapport à 2019.
Chez les pratiquants, les chiffres sont également en forte hausse avec 7,8 millions de joueurs en 2020, contre 7,3 millions en 2019. Un succès dû notamment à la grande variété de jeu proposée (tir, course, football…), qui permettent aux pratiquants de « développer leurs réflexes, leur agilité » détaille Kayden, joueur eSport depuis 2016, joint par mail. Un engouement que tempère toutefois le Ministère des Sports et de la Jeunesse, qui rappelle que l’eSport « ne remplace pas la pratique d’une activité physique régulière ».
Le sport amateur opère sa mue
Autre secteur à avoir largement pâti des conséquences de la crise sanitaire, le football amateur. Depuis l’annonce de l’arrêt des compétitions dites non professionnelles par le Premier ministre, Jean Castex, en mars 2020, les clubs amateurs se retrouvent face à une problématique de taille : la perte de leurs adhérents, première source de revenus. Contacté par mail, le Ministère des Sports et de la Jeunesse estime entre 20 et 30% la baisse du nombre de licenciés par rapport à l’année 2019 selon les fédérations. Toujours selon le Ministère, cette baisse aurait déjà entraîné la disparition de plusieurs milliers de clubs tous sports confondus (entre 2 000 et 4 000). Pour les survivants, le salut passe là aussi par le numérique.
L’étape la plus importante pour ces clubs est la communication « La communication est un levier indispensable pour que les membres restent dans les associations. On doit les rassurer, leur proposer une offre attractive, les réinciter à faire partie d’un projet social tout en respectant les normes sanitaires », expliquait mi-décembre à BFM TV, Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Une volonté illustrée par le projet : Mon Club Près de Chez Moi. Une plateforme digitale lancée lors du premier confinement, et qui recense les clubs fédérés. Les utilisateurs ont également la possibilité de faire des dons à ces mêmes clubs.
Pour soutenir les acteurs du sport amateur, certaines entreprises sont allées encore plus loin. C’est le cas de Sport Easy, un outil en ligne visant à faciliter la gestion administrative et l’organisation au quotidien des clubs (convocations, notes et statistiques, messagerie, photos et vidéos…). Sur son site internet, le fondateur du projet, Nizar Melki, explique avoir pris en compte les retours des clubs dans le développement de Sport Easy : « On a eu beaucoup de retours sur la complexité à maintenir le lien avec les licenciés, à les informer au mieux avec des mesures gouvernementales qui ont beaucoup changé. Un jour, les jeunes ont le droit de s’entraîner, mais pas les adultes, un autre c’est le outdoor, mais pas l’indoor… C’était parfois la cacophonie. »
Sport Easy centralise les aspects de la gestion d’un club sportif.
Le deuxième objectif des clubs amateurs est de rassurer les sponsors. Une désaffection massive plongerait en effet les associations sportives dans une situation encore plus compliquée. Pour continuer à bénéficier d’une visibilité malgré le manque de compétition, les marques se sont elles aussi tournés vers le numérique. : « La mise en relation entre les marques et les clubs a évolué, on a favorisé leur mise en avant sur notre application. C’est du sponsoring numérique, on sort du bord terrain » décrit Nizar Melki. Une solution de secours qui pourrait prendre de l’ampleur dans un futur proche. Dans leur plan de relance en faveur du sport, certains pays comme l’Espagne ont annoncé avoir débloqué 50 millions d’euros pour préparer l’avenir des clubs autour du pilier de la digitalisation.