Benoît Payan, premier plan

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Devenu maire après la démission de son alliée Michèle Rubirola, le socialiste Benoît Payan arrive par surprise à la tête d’une ville en crise. 

Il est un peu comme le lapin qui sort du chapeau. Un invité inattendu. En juin dernier, les électeurs donnaient la majorité de leurs suffrages aux listes du Printemps Marseillais, conduites par Michèle Rubirola. Les slogans de campagne placardés partout sur les murs bétonnés de la cité phocéenne étaient pourtant limpides : Rubirola est là ! Six mois après tout a changé. Rubirola n’est plus là. En tout cas plus au premier plan. Par un tour de passe-passe rocambolesque, elle annonçait début décembre, après six mois de mandat, son choix de quitter le fauteuil de maire. Et ce afin de devenir… Première adjointe ! À l’endroit à l’envers. Le duo Rubirola-Payan est devenu le duo Payan-Rubirola. Quelle étrange alliance que ce mariage de la carpe et du lapin. La première est une médecin des pauvres, une écologiste un peu hors-système, une figure de la  »société-civile ». Le second est un politicien pur-jus, un apparatchik du PS, un cérébral adepte des coups de billard à trois bandes.

Ce sera donc Benoît Payan. À lui le bureau du maire et sa superbe vue sur le Vieux-Port. Cette fonction il en a rêvé. Fils d’un couple de ritals, il est depuis toujours un passionné de poloche. Dès l’adolescence il parvient à s’arrimer aux hautes sphères du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS). Les Marseillais le découvrent en 2014, lorsqu’il est élu à la ville pour la première fois. Ses interventions au Conseil municipal sont vite remarquées. Lyrique et académique, son style oratoire fait très  »Troisième République ».

À chaque fois, il s’adresse directement à son plus grand ennemi : l’ancêtre Jean-Claude Gaudin, par quatre fois maire de Marseille depuis 1995. Payan pointe avec talent et panache les manquements de l’équipe municipale d’alors. Il s’insurge contre les écoles primaires délabrées, les logements insalubres, la pollution suffocante, l’arnaque fiscale, la corruption générale, la gabegie permanente. Les sujets d’indignation de manquent pas dans la deuxième ville de France. Alors avec le temps il se fait un nom. Les Marseillais, qui aiment tant détester leurs politiques, l’écoutent d’une oreille distraite. Méfiante aussi. Payan est socialiste. Et après le quinquennat de François Hollande, l’étiquette est lourde à porter.

Benoît Payan, plus florentin que Mitterrand, n’ignore rien de cela. Il sait que quoi qu’il dira, quoi qu’il pensera : les Marseillais ne l’écouteront pas. Son étiquette PS est radioactive. Et puis il faut bien se moderniser. Ailleurs en Europe de grandes villes sont tombées à gauche. Barcelone par exemple ! La ville a été reprise à la droite par une femme apolitique, une avocate indépendante des partis traditionnels. Aujourd’hui la mode est aux conventions citoyennes, à la  »co-construction », à la démocratie participative.

Benoît Payan

Coup de Jarnac

Pour appâter le chaland en vue des élections municipales de 2020, Payan avait donc tout prévu. Il repeint le PS local en lui donnant un nom qui fleure bon l’écologie : Le Printemps Marseillais. Et plutôt que de se placer en tête de liste, il lance Michèle Rubirola. Une médecin des quartiers Nord, une mère de famille, une Marseillaise comme les autres. Si honnête, si gentille ! On lui donnerait la Bonne Mère sans confession. Elle incarne tout le contraire de cette classe politique locale corrompue jusqu’à la moelle. Opération gagnante. En juin 2020, le second tour donne la victoire aux listes du Printemps Marseillais. Le dégagisme fonctionne à plein-pot. C’est la fin du système Gaudin.

Rubirola est élue Maire. C’est historique ! Payan devient premier adjoint. Très vite on comprend qu’il est un peu plus que cela. Bien davantage qu’un collaborateur, il semble être l’initiateur des projets de la Maire. C’est lui qui s’occupe du dossier Covid. Lui aussi qui a la haute-main sur les finances. Il supervise également les ressources humaines. En vérité : le maire, le vrai, c’est lui. Michèle Rubirola n’est là que pour inaugurer les chrysanthèmes.

Après six mois de cet étrange jeu de dupes, c’est la grande clarification. Rubirola s’installe au second plan. Juste derrière Payan. L’homme de l’ombre arrive en pleine lumière. Il devient maire, vraiment. Le jour de son intronisation, Payan reçoit un SMS de Jean-Claude Gaudin. Son éternel ennemi le félicite. Le dinosaure et le jeune loup, au-delà des différences, paraissent finalement assez semblables. Même passion pour l’Histoire, même amour pour la ville, même goût du secret, même ambition. L’ambition. Surtout ça.

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